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La TSN du Canada pourrait déclencher l’application de l’article 899 proposé de l’IRC des États-Unis


FiscAlerte 2025 numéro 30, 03 juin 2025

Le 22 mai 2025, la Chambre des représentants des États-Unis a adopté le One Big Beautiful Bill Act (l’« OBBBA, H.R. 1 »), projet de loi qui comprend l’instauration de l’article 899 de l’Internal Revenue Code (l’« IRC ») visant à contrecarrer certains impôts ou certaines taxes « injustes » imposés par des pays étrangers. Si les dispositions de l’article 899 de l’IRC sont adoptées dans leur forme actuelle, elles feront augmenter, jusqu’à 20 points de pourcentage, certains taux fédéraux d’impôt sur le revenu et de retenue d’impôt à payer par diverses entités étrangères.

En raison de l’adoption de la Loi sur la taxe sur les services numériques (la « LTSN »), le Canada serait considéré comme un « pays étranger discriminatoire » (discriminatory foreign country) et assujetti aux dispositions de l’article 899 de l’IRC. L’incidence sur les entités canadiennes tirant des revenus de placements américains et sur les placements canadiens aux États-Unis pourrait être considérable.


Contexte

La LTSN du Canada, qui est entrée en vigueur le 28 juin 2024, vise à faire en sorte que les grandes entreprises paient leur juste part de la taxe canadienne à l’égard de certaines sources de revenus. De façon générale, une grande entreprise peut être assujettie à la taxe sur les services numériques (la « TSN ») lorsque son revenu total de toutes provenances (ou le revenu consolidé total du groupe) est d’au moins 750 millions d’euros pendant un exercice qui se termine au cours de l’année civile précédente, et que son revenu canadien de services numériques (ou le total d’un tel revenu de toutes les entités de son groupe consolidé) dépasse 20 millions de dollars canadiens au cours de l’année civile. On entend par « revenu canadien de services numériques », le revenu provenant de services de marché en ligne, de services de publicité en ligne, de services de médias sociaux ou de la monétisation de données d’utilisateurs.

Si un contribuable ou son groupe consolidé remplit les conditions prévues, le ou les contribuables sont tenus de payer une taxe égale à 3 % sur leur revenu canadien de services numériques imposable excédant 20 millions de dollars canadiens au cours d’une année civile. Même si la taxe n’est pas à payer, une personne doit s’inscrire aux fins de la LTSN si son revenu canadien de services numériques dépasse 10 millions de dollars canadiens.

Bien que la LTSN ne soit entrée en vigueur que le 28 juin 2024, elle s’applique rétroactivement au 1er janvier 2022. Ainsi, un contribuable peut aussi être assujetti aux obligations de production et de paiement pour les années civiles 2022 et 2023. La date limite de production pour les années 2022, 2023 et 2024 est le 30 juin 2025.

Le Canada a adopté la LTSN après que l’Organisation de coopération et de développement économiques (l’« OCDE ») n’a pu parvenir à un accord multilatéral visant à mettre en œuvre le Pilier Un du projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS 2.0) avant la fin de 2023.

Les bulletins FiscAlerte suivants fournissent d’autres renseignements sur la LTSN du Canada :

Le gouvernement américain s’est dit préoccupé par la mise en œuvre de certaines taxes étrangères, dont celles sur les services numériques, qui, selon lui, auraient une incidence disproportionnée sur certaines entreprises américaines.

En vertu d’un décret signé le 20 janvier 2025 par le président des États-Unis, Donald Trump, l’« accord fiscal mondial de l’OCDE » (OECD global tax deal) a été déclaré inopérant, ou sans effet, aux États-Unis. Le gouvernement américain a par la suite indiqué qu’il répondrait aux pays qui mettent en œuvre une taxe sur les services numériques et d’autres taxes ou impôts qu’il considère comme étant discriminatoires.

Article 899 de l’IRC

Le 22 mai 2025, la Chambre des représentants des États-Unis a approuvé l’OBBBA, H.R. 1, qui propose, entre autres choses, d’ajouter à l’IRC l’article 899, intitulé « Enforcement of Remedies Against Unfair Foreign Taxes » (application de recours contre des impôts étrangers injustes).

Cette disposition prescrirait que les « personnes visées » (applicable persons – de façon très générale, il s’agit des résidents de pays qui imposent des « impôts étrangers injustes » [unfair foreign taxes] [comme la TSN] à des personnes des États-Unis) soient assujetties à des taux majorés d’impôt sur le revenu et de retenue d’impôt dans les cas suivants :

  • L’impôt de 30 % sur les « gains, bénéfices et revenus fixes ou déterminables, annuels ou périodiques », certains gains en capital et certains autres types de revenus de source américaine réalisés par un étranger non-résident ou une société étrangère

  • Les taux d’impôt sur le revenu des particuliers appliqués à un étranger non-résident assujetti à l’impôt à l’égard du revenu qui est effectivement rattaché à des activités industrielles ou commerciales aux États-Unis (effectively connected income − « revenu effectivement rattaché »), mais seulement pour ce qui est des gains tirés de la disposition d’intérêts immobiliers aux États-Unis

  • L’impôt sur le revenu des sociétés de 21 % appliqué au revenu effectivement rattaché d’une société étrangère

  • Le taux de 30 % imposé sur les montants d’équivalents de dividende provenant d’une succursale américaine (soit l’impôt sur les bénéfices des succursales − branch profits tax)

  • Le taux de 4 % imposé sur les revenus de placement bruts de source américaine d’une fondation privée étrangère

Le projet de loi hausserait le taux déterminé d’impôt payable par une personne visée du « nombre applicable de points de pourcentage » (applicable number of percentage points), lequel correspondrait généralement à cinq points de pourcentage au cours de la première période d’un an commençant à la date applicable, et à cinq points de pourcentage supplémentaires pour chaque période suivante d’un an. Toutefois, le taux ne pourrait dépasser de plus de 20 points de pourcentage le taux pertinent prévu par la loi. Fait à noter, si des taux inférieurs s’appliquent en vertu de la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis, l’augmentation des taux de retenue pourrait être supérieure à 20 points de pourcentage, le taux maximal étant néanmoins plafonné à 50 %.

La « date applicable » (applicable date) correspondrait au premier jour de l’année civile qui commence à la dernière des dates suivantes ou après :

  • 90 jours suivant l’adoption de l’article 899

  • 180 jours après la date d’adoption de l’impôt étranger injuste qui a pour effet qu’un pays sera considéré comme étant un « pays étranger discriminatoire »

  • Le premier jour où l’impôt étranger injuste d’un pays étranger discriminatoire commence à s’appliquer

Comme il a été mentionné, la LTSN est entrée en vigueur le 28 juin 2024 et a un effet rétroactif. Par conséquent, l’article 899 s’appliquera si le Canada n’abroge pas sa loi.

Une « personne visée » comprendrait ce qui suit :

  • Un gouvernement d’un pays étranger discriminatoire

  • Un particulier (autre qu’un citoyen ou résident des États-Unis) qui est un résident fiscal d’un pays étranger discriminatoire

  • Une société étrangère (autre qu’une « société étrangère appartenant à des personnes des États-Unis » [United States-owned foreign corporation] au sens de l’article 904(h)(6) de l’IRC) qui est une résidente fiscale d’un pays étranger discriminatoire

  • Une fondation privée créée ou organisée dans un pays étranger discriminatoire

  • Une société étrangère (autre qu’une société ouverte) si plus de 50 % de ses actions avec droit de vote ou de sa valeur appartiennent directement ou indirectement (au sens du paragraphe 958(a) de l’IRC) à des personnes visées

  • Une fiducie dont la majorité des droits de bénéficiaire sont détenus (directement ou indirectement) par des personnes visées

  • Une société de personnes étrangère, une succursale étrangère ou une autre entité étrangère déterminée par le secrétaire du Trésor à l’égard d’un pays étranger discriminatoire

Un « pays étranger discriminatoire » s’entend d’un pays qui applique un « impôt étranger injuste », ce qui comprendrait la TSN, un impôt sur les bénéfices détournés et une règle des bénéfices insuffisamment imposés en vertu du Pilier Deux de l’OCDE. Le secrétaire du Trésor pourrait également désigner d’autres impôts comme étant un impôt étranger injuste, y compris un « impôt extraterritorial » (extraterritorial tax) ou un « impôt discriminatoire » (discriminatory tax), au sens de l’OBBBA, H.R. 1.

En outre, l’article 899 modifierait l’impôt anti-abus pour lutter contre l’érosion de la base d’imposition (Base Erosion and Anti-Abuse Tax – « BEAT ») relativement à certaines sociétés américaines à l’égard desquelles plus de 50 % de leurs actions avec droit de vote ou de leur valeur appartiennent à des personnes visées. Plus précisément, la société serait considérée comme ayant des rentrées brutes annuelles moyennes suffisantes et un pourcentage d’érosion de la base d’imposition suffisant pour être un contribuable assujetti au BEAT, à des taux de BEAT supérieurs et à d’autres redressements du calcul.

Enfin, l’article 899 rendrait inapplicable l’exclusion du revenu brut prévue au paragraphe 892(a) de l’IRC dans le cas d’un gouvernement (« government » au sens de l’article 892 de l’IRC) d’un pays étranger discriminatoire. Le paragraphe 892(a) de l’IRC prévoit une exonération d’impôt pour le revenu tiré par un gouvernement étranger de certains placements aux États-Unis et de certains intérêts sur des dépôts dans des banques américaines. Parmi les entités qui pourraient être touchées par cette modification, mentionnons les régimes de retraite canadiens.

Pour en savoir plus sur l’application de l’article 899 proposé de l’IRC, consultez le bulletin Global Tax Alert 2025-1085, United States: New IRC Section 899 would increase tax rates and expand BEAT for certain inbound taxpayers, d’EY.

Conséquences

Du fait que le Canada a adopté la LTSN, il serait considéré comme un pays étranger discriminatoire. L’article 899 pourrait ainsi avoir une grande incidence sur les particuliers, les sociétés et les fiducies du Canada détenant des placements aux États-Unis. Les personnes et entités ainsi visées pourraient être assujetties à des impôts ou à des retenues d’impôt plus élevés sur leurs revenus de source américaine, comme les dividendes, les redevances, les gains en capital sur les biens immobiliers et le revenu effectivement rattaché. De plus, le BEAT pourrait s’appliquer à un plus grand nombre de sociétés américaines contrôlées par des Canadiens ou appartenant à ces derniers.

Comme il a été mentionné, le gouvernement du Canada serait également une personne visée et serait potentiellement assujetti à des impôts plus élevés. Par exemple, l’exonération actuelle (en vertu de l’article 892 de l’IRC) à l’égard du revenu que des gouvernements étrangers tirent de certains placements américains et des intérêts sur des dépôts dans des banques américaines ne s’appliquerait pas à un gouvernement d’un pays étranger discriminatoire.

Au moment où nous écrivons ces lignes, nous ignorons comment le gouvernement du Canada réagira si l’article 899 est adopté dans sa forme actuelle.

Nous continuerons de suivre l’évolution de ce projet de loi alors qu’il franchit les différentes étapes du processus législatif.

Pour en savoir davantage

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