Notion de revenu protégé
En vertu de la LIR, le « revenu gagné ou réalisé » – soit le revenu protégé – d’une société canadienne est réputé être un revenu par ailleurs calculé en vertu de la LIR, sous réserve seulement des modifications mentionnées à l’alinéa 55(5)b) pour les sociétés qui ne sont pas des sociétés privées ou à l’alinéa 55(5)c) pour les sociétés privées. Un dividende (ou dividende réputé) peut être exempté de la disposition de requalification prévue au paragraphe 55(2) lorsque la totalité ou une partie du dividende n’est pas supérieur au montant du revenu gagné ou réalisé par une société qu’il peut être raisonnable de considérer comme contribuant au gain en capital sur les actions.
Ce libellé particulier a été déposé en 2015 en même temps que d’autres modifications à l’article 55, y compris l’ajout de deux nouveaux critères d’objet et de règles spéciales applicables au paiement de dividendes en actions. Les modifications ont été adoptées en 2016 en grande partie pour éviter la création ou la duplication artificielles du montant de base. Avant le 21 avril 2015, le critère applicable pour déterminer si un dividende avait été versé à partir d’un revenu protégé consistait à déterminer si le gain en capital sur les actions pouvait raisonnablement être considéré comme étant attribuable au revenu protégé.
Au fil des ans, étant donné que la LIR fournissait peu d’indications sur le calcul du revenu protégé, l’ARC est intervenue pour combler cette lacune en adoptant un certain nombre de positions administratives, y compris le premier document exhaustif sur le calcul du revenu protégé qui a été présenté par John R. Robertson lors de la conférence annuelle de la FCF de 1981, « Capital Gains Strips: A Revenue Canada Perspective on the Provisions of Section 55 » (communément appelé les « règles Robertson »). D’autres documents ont été publiés par la suite, dont un article de Michael A. Hiltz, « Section 55: An Update », en 1984, puis un article de Robert J.L. Read, « Section 55: A Review of Current Issues », en 1988. Enfin, un autre article de Michael A. Hiltz, « Income Earned or Realized: Certain Reflections », a été publié en 1991.
Principe directeur de l’ARC pour le calcul du revenu protégé
Lors de la conférence annuelle de la FCF, l’ARC a indiqué que, même si le législateur aurait pu choisir de définir de façon exhaustive ce qui constitue un « revenu gagné ou réalisé » contribuant au gain en capital sur une action (auparavant « attribuable à »), une approche minimaliste a été adoptée. Selon l’ARC, une approche équilibrée et raisonnable pour déterminer le montant du « revenu gagné ou réalisé » contribuant au gain en capital est donc imposée conformément au mécanisme prévu au paragraphe 55(2) de la LIR. Toujours selon l’ARC, nous devrions nous abstenir d’adopter une interprétation stricte étant donné que les dispositions sur le revenu protégé ne représentent pas un code complet.
L’ARC a réitéré sa position selon laquelle la déduction pour dividendes intersociétés prévue au paragraphe 112(1) ne devrait pas être utilisée pour augmenter le coût fiscal des biens, et que le paragraphe 55(2) vise à faire en sorte qu’un dividende soit assujetti à l’impôt lorsque le dividende n’est pas payé à partir du revenu protégé, c’est-à-dire que le dividende ne provient pas d’un revenu qui a déjà été assujetti à l’impôt sur le revenu. Dans sa présentation, l’ARC n’a pas mentionné les critères d’objet prévus au paragraphe 55(2.1), mais les documents de présentation distribués après la conférence en tenaient compte.
Revenu protégé en main, arrêt Kruco et paragraphe 55(2) révisé
Avant l’arrêt Canada c. Kruco Inc. (2003 CAF 284) (l’« arrêt Kruco »), la position de longue date de l’ARC était que le « revenu protégé en main » à l’égard d’une action d’une société se composait du revenu gagné ou réalisé qu’il pouvait être raisonnable de considérer comme contribuant au gain en capital. L’ARC était d’avis que, bien que l’expression « revenu protégé » s’entende du revenu net d’une société aux fins fiscales, établi en fonction des rajustements prévus aux alinéas 55(5)b), c) et d), les montants comme les dividendes, l’impôt sur le revenu ou les autres montants qui n’étaient pas alors déductibles ne contribuaient pas au gain inhérent aux actions et devaient donc réduire le revenu protégé en main. Le mot « contribuer » avait été utilisé par l’ARC même si, à l’époque, le libellé du paragraphe 55(2) faisait référence à un gain en capital « qu’il serait raisonnable de considérer comme étant attribuable à autre chose qu’un revenu gagné ou réalisé ».
Dans l’arrêt Kruco, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’un processus en deux étapes était nécessaire : il fallait d’abord calculer le revenu protégé (c.-à-d. le revenu gagné ou réalisé comme l’exigent les alinéas 55(5)b) et c)), puis déterminer si le « revenu gagné ou réalisé » était « resté » en main après son calcul. Plus précisément, le juge Noël a conclu que « le fait que [le revenu fictif] soit réputé par mesure législative empêche tout examen qui viserait à vérifier si ce revenu a jamais été disponible ».
Lors de la conférence annuelle de la FCF, l’ARC a déclaré que la notion de revenu protégé en main avait été mal appliquée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Kruco, et que, selon le libellé révisé du paragraphe 55(2), la notion de « revenu protégé en main » n’est plus pertinente. Le processus doit plutôt consister à déterminer la mesure dans laquelle il peut être raisonnable de considérer le revenu, tel qu’il est calculé en vertu du paragraphe 55(5), comme contribuant au gain en capital sur les actions. Autrement dit, l’ARC est d’avis que le libellé révisé adopté par le Parlement en 2016 permet de s’écarter du raisonnement adopté par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Kruco et, par conséquent, d’exclure du revenu protégé tout montant inclus dans le revenu net aux fins de l’impôt par une disposition de présomption au motif que ce revenu ne contribue pas au gain en capital sur les actions. L’ARC a également résumé sa position révisée en indiquant que le revenu protégé est considéré comme contribuant à un gain en capital dans la mesure où il continuera d’exister, à titre d’actif corporel, pour appuyer la juste valeur marchande (la « JVM ») des actions.
Modifications et précisions apportées aux positions de l’ARC
Au cours de la présentation, l’ARC s’est concentrée sur les aspects clés suivants :
1. Pertes accumulées sur les immobilisations
Si un revenu protégé est gagné ou réalisé par une société et qu’il est utilisé pour acquérir des immobilisations dont la valeur diminue par la suite, l’ARC a confirmé sa position selon laquelle cette perte accumulée ne devrait pas réduire le revenu protégé étant donné que le gain en capital sur les actions est appuyé par la valeur d’autres actifs de la société.
L’ARC a illustré cette position à l’aide d’un exemple dans lequel, au cours du même exercice, la JVM d’un bien immeuble que la société (« Opco ») avait acquis au début de l’exercice au moyen d’un revenu protégé de 500 $ avait diminué de 250 $ au cours de l’exercice. Au cours du même exercice, la JVM des biens incorporels d’Opco avait augmenté de 400 $.